Le Prof. Pierre SOMVILLE nous parlera du « Marché de l’Art et du problème des avant-gardes ».
A propos du Prof. Pierre SOMVILLE:
Né à Charleroi le 2 janvier 1942Docteur en Histoire de la Philosophie (Paris, Sorbonne, 1968), Docteur en Philosophie et Lettres (Université de Liège, 1973).
Professeur émérite à l’Université de Liège.
Secrétaire général de l’Institut royal d’Histoire de l’art et d’archéologie de Bruxelles – http://www.art-histoire.be/
Membre de l’Académie royale de Belgique (Classe des Arts) – http://www.academieroyale.be
A lire entre autres :
– Memling et Bruges
– Le Caravage au plus près
– Solstices
(Edition Derouaux-Ordina)
Pour écouter les propos du Prof. Pierre SOMVILLE
sur le phénomène des avant-gardes: cliquez sur le lien
Prof. Pierre SOMVILLE les avant-gardes extrait
sur le marché de l’Art : cliquez sur le lien Prof. Pierre SOMVILLE Le marché de l’Art extrait
Prof. Pierre Somville Portrait
Mariage Mystique – Ambre et Huile BLOCKX sur MDF 2011 © Mlle CharLes
inspired by « Corbeille de fruits » (Caravaggio) and « Mystical marriage of Sainte Catherine » (Memling)
La beauté de l’Art by Pierre Somville: « L’oeuvre doit émouvoir d’abord. Ensuite, il faut que l’on puisse intellectualiser l’émotion sinon c’est trop fugace »
« … Le sujet n’en sera pas moins la vie, calme et quasi végétative (Stilleben) que la mort rampante, qui chemine en son coeur. « Nature morte », en effet. Or, ce genre moins mineur qu’on le croit, aura pour but de célébrer, sous les espèces de denrées superbes et fragiles, la finitude de l’homme, ce référent étant plus souvent absent de la représentation, litote oblige.
C’est exactement ce que fait, presque avant tous les autres, notre Caravage, devancé de peu par un Jean Bruegel « de velours ». Mais ici, il n’est point de velours qui tienne: c’est sur champ d’or, comme faisaient les anciennes icônes, que se manifeste à nous l’épiphanie de la corbeille chargée. Sacrée comme une Vierge byzantine, elle nous ramène une fois de plus au réel transfiguré. Légèrement en ressaut sur son support, tressée d’osier, elle est cette provende dionysiaque de grappes, de feuilles et de fruits ronds, avec une violente douceur inscrite sur son fond d’or. Comme un trône vide peut signifier la majesté du dieu ou de la déesse, physiquement absents, cette corbeille manifeste Dionysos, dieu de l’arbre, des fruits et des liqueurs, dans toute sa gloire exubérante et son horrible promesse du pressoir. Car les raisins seront foulés: juste à côté des deux figues, fraîches et rebondies, une feuille déjà morte, sèche et cassante, nous l’annonce comme une Cassandre, tandis qu’au plein milieu de la pyramide nous le redisent cette poire blessée de marques noires et cette adorable pomme dont la forme rouge si désirable est trouée d’une blessure cerclée de noir. Vraiment, le vers est dans le fruit. La jouxtant, deux figues plus avancées sont marquées de craquelures parallèles. C’est que le temps chemine et que la mort progresse, cachée sous les plus belles couleurs. Quelques autres feuilles aussi ont souffert de cruelles morsures. L’une d’entre elles est presque dévorée. Mais les insectes aussi mourront, êtres d’un jour, comme nous tous. Et cela même est splendide, comme la rouille sur la feuille du coing, à gauche, ou les points de candidose sur la feuille de vigne, au centre.
Voilà donc l’archétype d’un « tableau de genre » qui nous dit simultanément la vie et l’horreur de vivre, l’amour et la terreur de sa limite, sous la plus éclatante des splendeurs. Je ne connais pas d’oeuvre plus dionysiaque. »
– Extrait de « Le Caravage au plus près » Prof. Pierre Somville –
by Mlle CharLes